La Marche nationale pour la vie gagne en soutien et en ampleur


Marche nationale pour la vie, le 29 mars 2019

Depuis trois semaines, la Marche pour la vie des autochtones et paysans de Colombie se développe et prend de l'ampleur. Appelée par l'Organisation nationale autochtone de Colombie (ONIC) et le Conseil régional autochtone de Cauca (CRIC), elle gagne un soutien au moment où d'autres organisations de défense des droits humains des départements de Cauca, Nariño, Antioquia, Choco et Putumayo demandent la mise en oeuvre intégrale des accords de paix signés en 2016 entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

La Fondation paix et réconciliation (Pares) indique que l'Unité autochtone du peuple Awa (UNIPA), les autochtones Ingas de Putumayo et les communautés Kamentza de Nariño se joignent à la marche qui a fermé les principales autoroutes au sud de Cali et affecté le trafic et le transport au sud jusqu'à la frontière avec l'Équateur.

Les militants exigent que les accords de paix signés à La Havane, à Cuba, soient pleinement appliqués. Cela inclut la protection des dirigeants du mouvement social des paysans et des peuples autochtones, dont la vie est continuellement menacée par des groupes paramilitaires et des hommes armés pour leurs terres.

« Plus de 420 autochtones Awa ont été tués ces dernières années, plus de 800 personnes déplacées entre 2016 et 2019 et 64 ont été menacées, déclare l'UNIPA dans un communiqué. Nos enfants souffrent de malnutrition et nos jeunes sont menacés par les groupes armés présents dans la région. »

Selon le gouvernement colombien, plus de 420 militants ont été assassinés entre novembre 2016 et 2018. Le 26 mars, l'armée colombienne a déclaré avoir retrouvé quatre corps au total à Buenaventura, où se déroule la marche. Depuis que la marche a commencé il y a trois semaines, l'armée colombienne a attaqué les manifestants à plusieurs reprises. Le 19 mars, l'escadron mobile anti-perturbations (ESMAD) et l'armée nationale ont ouvert le feu sur des manifestants à La Augustina, au sud de Cali, blessant au moins trois personnes, a informé le CRIC. Selon l'organisation, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes, des grenades, des balles et des armes à courte et à longue portée sur les participants à la marche.

Le président colombien Iván Duque tente actuellement de modifier et d'affaiblir les Accords de paix par le biais d'un processus législatif. Il a indiqué qu'il ne rencontrerait pas les représentants des plus de 5 000 marcheurs jusqu'à la réouverture de l'autoroute. La présidente du CRIC, Aida Quilcue, a répondu : « Nous avons été clairs. Si vous nous dites quand le président arrivera, nous envisagerons d'ouvrir la route. »

« À ce jour, plus de 35 affaires pénales ont été rapportées, incluant contre la détention de 13 manifestants », a déclaré le CRIC dans un communiqué. Au moins 10 membres de la communauté autochtone ont été assassinés par les forces de l'État qui en ont blessé 15 autres.

La Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme écrit dans son rapport annuel publié récemment que la Colombie avait connu une recrudescence de la violence l'année dernière.


Le 24 mars 2019 à Alto Putumayo

Selon les statistiques de la police nationale, en 2018, 49,5 % des municipalités ont signalé une augmentation des taux d'homicides par rapport à 2017. Par exemple, dans les municipalités de San Jose de Ure, dans le département de Cordoba, et Barrancas, dans le département de La Guajira, les taux d'homicides ont augmenté respectivement de 1 473 % et 880 %. La commissaire des Nations unies a observé qu'en 2018, le nombre de massacres avait augmenté de 164 % par rapport à 2017, passant de 11 à 29 cas. En 2018, ces cas étaient concentrés à Antioquia, Cauca, Norte de Santander et Caqueta. Davantage de cas d'assassinat de défenseurs des droits de l'homme ont été signalés dans les trois premiers départements.

Le ministre de la Défense, Guillermo Botero, a contesté le rapport des commissaires aux droits de l'homme. Selon Botero, l'affirmation de l'ONU selon laquelle 29 massacres auraient eu lieu en 2018, ce qui représente une augmentation de 164 % par rapport à l'année précédente, est fausse. Le ministère de la Défense a annoncé que 78 personnes avaient été tuées dans des massacres en 2018, soit une augmentation de 37 % par rapport à l'année précédente, mais n'a jamais révélé les statistiques de décembre.

« Le HCDH observe que 93 % des cas qu'il a suivis concernaient des régions pour lesquelles des causes structurelles étaient liées à un manque persistant d'accès aux droits de la population - principalement à la justice et aux droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux », indique le rapport.

Les causes structurelles mentionnées ci-dessus découlent en grande partie de la présence faible, voire inexistante, de l'État dans certaines zones rurales, comme l'a reconnu le président Duque dans son discours inaugural. Ils résultent également de retards importants dans la mise en oeuvre de l'accord de paix, notamment en ce qui concerne la réforme rurale et la substitution des cultures illicites. Afin de limiter les risques pour les défenseurs des droits humains, l'État devrait maintenir sa présence, notamment par l'intermédiaire des autorités civiles, reconnaître et promouvoir la participation de la société civile avec toutes les garanties d'association, de réunion et d'expression, et accélérer la mise en oeuvre de l'accord de paix dans les régions concernées, qui soutiendraient le travail des défenseurs en développant l'espace civique.

Le rapport critiquait en particulier le gouvernement actuel pour sa résistance persistante à la création de la Juridiction spéciale pour la paix (JEP), qui vise à traduire en justice les coupables de crimes de guerre commis au cours de plus d'un demi-siècle de conflit armé.

Le parti de Duque, le Centre démocratique dirigé par l'ancien président Alvaro Uribe, est opposé au processus de paix.

(Source : TeleSUR)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 12 - 30 mars 2019

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